Née en 1945, Lise Bissonnette est présidente-directrice générale de la Grande bibliothèque du Québec. Jusqu’à sa nomination par le gouvernement du Québec, en août 1998, Mme Bissonnette a été pendant huit ans, éditrice puis directrice du quotidien Le Devoir.
Détentrice d’un baccalauréat en pédagogie et d’une licence ès sciences de l’Éducation de l’Université de Montréal, elle a poursuivi en 1968-69 des études doctorales à l’Université de Strasbourg puis à l’École pratique des hautes études de Paris (sur les systèmes d’enseignement supérieur). De retour au Québec en 1970, elle est entrée à la toute nouvelle Université du Québec à Montréal (UQAM) où elle a participé à la création du premier bureau d’études institutionnelles avant d’assumer la coordination de la famille des Arts.
Devenue journaliste au Devoir en 1974, elle y a occupé différents postes jusqu’en 1985: chroniqueur d’éducation, correspondante parlementaire à Québec, correspondante parlementaire à
Ottawa, éditorialiste, rédactrice en chef. En 1980-1981, elle a étudié les relations Québec/États-Unis à New York, à l’invitation de la Carnegie Endowment for International Peace.
Elle a quitté Le Devoir en 1986 et a alors exercé sa profession de façon autonome en tenant des chroniques dans divers médias canadiens: The Globe and Mail, Le Soleil, L’actualité, Montreal Magazine, Forces et l’émission d’affaires internationales Table rase, à Télé-Québec. Durant la même période, elle fut chargée de projets éducatifs pour la Fondation CRB à Montréal, vice-présidente de l’Institut canadien pour la paix et la sécurité internationales, membre du conseil du Théâtre du Nouveau Monde et membre du comité canadien pour la Décennie mondiale du développement culturel.
Elle est revenue au Devoir en 1990, pour en assurer la direction tout en continuant de rédiger les principaux éditoriaux ainsi qu’une chronique culturelle hebdomadaire.
Pendant une vingtaine d’années, elle a donné régulièrement des conférences sur la politique et la culture québécoise à la demande de divers organismes, au Québec, au Canada, aux États-Unis et en Europe, et a été invitée comme analyste ponctuelle à diverses émissions d’affaires publiques, à la radio et à la télévision.
Elle détient cinq doctorats honoris causa: de l’Université Concordia (Montréal), de la State University of New York, de l’Université Laurentienne (Sudbury), de l’Université de Sherbrooke et de l’Université Laval (Québec).
Outre ses ouvrages de fiction (voir ci dessous), elle est l’auteur de deux recueils de chroniques culturelles et politiques, La Passion du présent et Toujours la passion du présent (Boréal, 1987 et 1998). Tous ses livres ont été fort bien reçus par la critique et le public, et trois de ces ouvrages ont été en nomination pour le Prix du Gouverneur général du Canada.
Elle a reçu l’Ordre des francophones d’Amérique en 1993 et a été élue membre de l’Académie des lettres et des sciences humaines de la Société royale du Canada en 1994. Elle a été intronisée au panthéon du journalisme canadien en 1996. En 1998, elle a reçu l’Ordre de la Pléiade (ordre de la Francophonie et du dialogue des cultures) et est devenue officier de l’Ordre national du Québec.
[…] La littérature, le monde littéraire, ont toujours attiré la directrice du quotidien Le Devoir. À son arrivée à Montréal, en provenance d’Abitibi, c’est le monde qu’elle côtoie. Et déjà à l’époque elle sait qu’elle peut écrire. Au Quartier latin, elle pond des analyses politiques puis déménage dans la section littéraire parce que c’est ce qu’elle préfère. Mais aurait-elle aimé peindre? «Non, je n’ai là aucun talent. Et puis, pour avoir encouragé et côtoyé de jeunes artistes, je sais comment il est difficile de s’exprimer de cette façon: je sais la somme de travail qui se trouve dans une toile ou dans une sculpture. C’est aussi ardu, sinon plus, que d’écrire. Moi, j’ai besoin d’un ordinateur, c’est relativement simple. Mais le geste de prendre une toile blanche ou un bloc de marbre représente une audace folle. Vous vous rendez compte de ce que ça veut dire si vous vous trompez…»
Mais avec un ordinateur, cela apparaît facile à Lise Bissonnette. Comme la machine à écrire a été un appendice pour la journaliste, le traitement de texte remplit le même rôle auprès de l’écrivain. Elle souligne qu’il y a mille façons d’écrire: la nuit, le jour, à l’encre noire ou à l’encre verte, mais qu’en ce qui la concerne ses processus mentaux s’accommodent mieux du mot directement imprimé sur un écran. Tout comme elle préfère écrire de la fiction le matin et des éditoriaux l’après-midi, laissant peu de place à une aléatoire inspiration et prouvant, par ce fait, que le travail est l’âme même d’un texte.
Écrire, comme travailler, va contre la volonté qui l’habite continuellement de faire autre chose. «Je veux écrire, je trouve intéressant de le faire, j’aime inventer des histoires, j’aime les écrire et surtout les écrire de façon contemporaine. Mais il y a toujours la tentation de s’asseoir avec un bon livre. Au fond, je suis une paresseuse qui travaille beaucoup, une paresseuse qui rêve de ne rien faire mais qui abat des tonnes de travail pour ne pas se sentir coupable.»
[…] Parmi les thèmes au centre de ce livre, l’amour et la mort. Un cocktail que tous les romanciers connaissent, mais qui nécessite un autre élément pour avoir un goût différent, justement, de tous les autres. Cet élément, Bissonnette l’a pris dans sa vie à elle, et a choisi de parler du milieu des arts contemporains, qu’elle connaît très bien. Depuis plus d’une vingtaine d’années, elle a développé une réflexion sur la vie des créateurs, et sur la création en général. Cela donne au roman une vitalité, une actualité originale et pertinente. «J’ai l’occasion de parler avec des artistes, confie Lise Bissonnette, et je constate qu’ils sont vraiment confrontés à une difficulté: ils ont l’impression que tout a été fait, et sont poussés constamment à rompre… Ils sont toujours en rupture avec ce qu’ils
viennent de faire la veille. Il y a une espèce de déification de l’innovation dans l’art qui est insoutenable pour les artistes. Et pour les plus jeunes, c’est encore plus difficile, parce qu’il faut beaucoup de maturité pour tout chambarder…»
L’auteure a incarné ces propos sur l’esthétique en un thème assez vague, la «mort de l’inspiration», sujet de thèse de son personnage central. Mais ce sujet a le mérite de s’appliquer à d’autres formes artistiques, et de mettre le roman à la portée de quiconque s’intéresse à l’art. […]
Dans cette histoire, l’art et la vie sont étroitement liés. Choses crues n’est pas un roman sur l’art contemporain, mais il n’est pas non plus qu’un roman d’amour. Les doutes qu’éprouvent ce personnage se vivent aussi dans sa vie amoureuse et affective. De la même manière qu’il pose mille questions au monde de l’art, il remet en question ses choix personnels. C’est dans cette tension entre l’abstraction et le concret, entre les idées et les sens que le roman trouve une grande profondeur.
Malgré les différentes narrations et les retours en arrière, on lit Choses crues d’un seul souffle. Comme dans Marie suivait l’été (on retrouve d’ailleurs ici Marie et Corinne), le style de Lise Bissonnette se distingue par sa force, son élégance. Et si l’écriture est parfois précieuse, l’auteure sait trouver les mots qui touchent autant le cœur que l’esprit.
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