J'ai parfois l'impression que la fin de la Seconde Guerre mondiale sera un jour considérée comme la fin de ce qu'on appellera peut-être la civilisation occidentale. Celle qui est née en Europe avec Dante, Chaucer et Montaigne se meurt lentement sous nos yeux et sa mort nous a été annoncée par Dostoïevski, Proust et Kafka. Cette civilisation reposait sur la foi et sur les livres. Paradoxalement les livres ont fini par remettre en question la foi, et le château de cartes s'est écroulé. Si Dieu n'existe pas, tout est permis. Comment faire du théâtre après Beckett? Comment faire de la musique après Schoenberg? Du jazz? Le jazz aussi a disparu à la mort de Coltrane. Comment peindre après Warhol? Les deux derniers grands cinéastes, Bergman et Antonioni, sont morts cet automne. Il n'y en aura plus d'autres. Nous entrons dans un nouveau Moyen Âge totalement mystérieux.
Voici l'histoire d'un homme à la dérive. Un homme seul, perdu. Un homme qui cherche une voie et qui finira par la trouver après bien des péripéties. Un homme de notre temps.
Un écrivain berlinois me disait il y a trois ans : « Au fond vous n'avez qu'un seul sujet : l'absence de Dieu. » Mon ami et collègue Jean Beaudin me disait l'autre jour : « Tes films parlent toujours des deux mêmes choses : notre solitude et notre angoisse. » Ce scénario-ci ne les contredira pas.
Denys Arcand