Une fois posée ma palette, après un long moment d’écoute environné de solitude et d’attente, je vois vivre sur le papier mouillé l’étrange alchimie des couleurs, je vois naître des ciels, des terres, des paysages nonpareils. Et à partir de toutes ces formes, pourquoi s’interdire de dessiner des présences, des corps, des visages, des personnages inventés à la fois oiseaux et visiteurs fantaisistes de l’ombre? Et me voici en train de peindre des cent pieds cent plumes, des sans pieds sous plumes, des porte-plume sans pieds et autres apparitions fantasmagoriques. Me vint alors à la mémoire l’expression « deux pieds sans plumes » colligée dans mon dictionnaire et désignant nos congénères et semblables.
Le regard du poète-ornithologue, qui faisait tout le prix de ses Histoires naturelles du Nouveau-Monde, Pierre Morency le tourne ici vers le genre humain. Il en résulte un livre inattendu et inclassable. Un livre de profonde sagesse où s’invitent pourtant drôlerie et impertinence.
« Drôle de petit livre que nous propose le grand Pierre Morency. Sous forme d’un inventaire qui n’est pas sans évoquer la tendresse d’un Jacques Prévert, le poète amoureux des oiseaux entreprend l’écriture de son “carnet de gens” où il consigne “tous ces êtres vus, entendus, imaginés au cours de [s]a vie récente”. Dans une prose poétique, il fait ainsi défiler ces “deux pieds sans plumes” à coups de brèves descriptions tour à tour justes, attentives, amusantes, moqueuses, curieuses, émouvantes, inventives. »
Manon Dumais,
Le Devoir