Dans L’Esprit du don, Jacques T. Godbout montrait que le don occupe encore une place de première importance dans nos sociétés, à côté du marché et de l’État. Dans ce nouvel ouvrage, il généralise son propos : le don est le mode de circulation des biens et services propre aux réseaux, où n’intervient pas la séparation entre un public et des professionnels. Dans la famille ou dans la société, le monde des réseaux fonctionne au don et à la dette, et non pas à l’équivalence (comme dans le marché) ou à l’égalité (comme dans l’État). Quand les réseaux fonctionnent bien, cette dette est positive : elle n’engendre pas angoisse et aliénation, mais confiance et désir de loyauté. Et enfin, c’est à travers la relation de dette (positive ou négative), de don et de contre-don, que se forment ou se déforment les identités.
Nourri par toute une série de recherches empiriques, ce livre propose un véritable paradigme alternatif à celui de la science économique et de la sociologie utilitariste. Au lieu de postuler que nous sommes tous des homo oeconomicus, qui ne songent qu’à prendre et à garder, il risque l’hypothèse inverse : Ne serions-nous pas plutôt du genre homo donator, plus enclins à donner qu’à recevoir ? Du coup, plutôt que de chercher à expliquer comment des égoïstes «rationnels» pourraient se transformer en altruistes coopératifs, on doit s’interroger sur les bonnes raisons qui nous dissuadent de donner.