Il n’avait pas été victime d’une hallucination dans la lumière livide du marécage. La bête existait vraiment, aussi démesurée qu’il l’avait vue la première fois, plus haute même qu’il ne l’avait imaginée quand elle marchait dans l’eau jusqu’au ventre, aussi puissante, aussi lourde. On ne pouvait la confondre avec aucune autre [...]. L’orignal de légende qui hantait depuis toujours les tavernes et les camps de bûcherons, et que personne n’avait jamais vu. En forêt, on avait un regard désolé pour celui qui se vantait de l’avoir vu ; c’est qu’il était au bout de son rouleau, au bout de sa solitude parmi les hommes, quelqu’un avec qui il ne fallait pas sauter un rapide durant le flottage du bois, traverser un lac sur la glace au printemps, ou simplement sortir dans la tempête, un porte-malheur qui avait reçu le mauvais présage de la forêt, le baiser de la mort.
Ce que la presse en dit
Le roman de Langevin est une très grande réussite littéraire, si grande que c’est la légitimité même de la littérature qu’il réaffirme.
Réginald Martel, La Presse