« Ce n’est pas la grande forme. » Voilà ce que se dit infailliblement le protagoniste de ce roman. On peut le comprendre quand on sait que, un jour, sans crier gare, ses beaux-parents ont débarqué chez lui pour s’installer à demeure. L’homme se replie chez son cousin, Serge-Olivier. Mais la vie y est pour le moins inconfortable, et il finit par s’installer dans un refuge.
Au moins, il a ses rendez-vous quotidiens avec Anne-Frédérique. Sous la supervision de celle-ci, il numérise un à un les documents que contient la seule possession qu’il lui reste, une vaste malle, où est conservé tout ce qu’il a amassé depuis l’enfance : photos, cahiers d’école, déclarations de revenus, etc. Ensuite, ces documents sont projetés en continu sur les murs extérieurs de l’édifice en forme de pyramide du Numériseur situé au beau milieu de la ville. Ce « Plan de numérisation totale » visant bien sûr la consécration suprême : l’entrée de tout citoyen dans le Nuage.
Grande forme nous ouvre les yeux sur la façon dont le discours psychologique se marie aujourd’hui à celui de la technologie pour créer un monde littéralement invivable. Le romancier a construit ici, avec un malin plaisir, une grinçante dystopie où chaque phrase fait mouche.