Le 24 juin 1969, de jeunes manifestants qui suivent le défilé de la Saint-Jean-Baptiste s’emparent du char allégorique dédié au saint patron des Canadiens français et le renversent. L’imposante statue du prophète tombe au sol et sa tête s’en détache. Dans les jours qui suivront, les médias et le public qualifieront l’incident de « décapitation du Baptiste ». Cette mort symbolique sonnera le glas des défilés et débouchera sur l’institutionnalisation de nouveaux modes de célébration nationale. La sécularisation de ce rendez-vous collectif annuel s’ajoute aux nombreuses manifestations du passage de l’identité canadienne-française à l’identité québécoise.
Jean-Baptiste décapité aborde la relation changeante qu’entretiennent le nationalisme, la religion et la laïcité au Québec depuis les années 1960. L’analyse est originale, parce que Geneviève Zubrzycki y adopte une théorie du nationalisme qui inclut le religieux comme facteur collectif persistant, ce qui donne lieu à l’élaboration d’une politique des symboles avec en son centre le concept de « révolte esthétique ». Les sermons, les statues, les chansons, les hymnes, les photos ou les chars allégoriques sont aussi importants que les institutions et les rapports de force dans la compréhension du processus de sécularisation au Québec.
Cet essai éclaire aussi les débats sensibles autour de l’immigration, des accommodements raisonnables et des signes religieux. Qu’on se le tienne pour dit, les Québécoises et les Québécois continuent de porter un « regard sacré » sur plusieurs phénomènes culturels, sociaux et politiques.
« Cet essai offre un éclairage bienvenu au moment où le débat sur la laïcité continue de faire rage. Cet ouvrage savant, mais non rébarbatif, analyse l’identité québécoise depuis la Conquête jusqu’au nationalisme identitaire actuel. Abondamment illustré, l’essai démontre, notamment, que la sécularisation de la société n’est pas la cause du nationalisme québécois, mais sa conséquence. »
« Dans son livre, Mme Zubrzycki s’intéresse particulièrement au " point de rupture " entre le Québec et la religion, rupture qui s’est manifestée d’une façon symbolique particulièrement forte en 1969, lorsque la statue de saint Jean-Baptiste s’est retrouvée décapitée, comme dans la Bible, après qu’un char allégorique eut été renversé durant le traditionnel défilé du 24 juin à Montréal. »
Caroline Montpetit,
Le Devoir