René Lévesque, critique de cinéma ? On a oublié que, entre son retour d’Europe, où il a été correspondant de guerre, et son entrée à la télé vision de Radio-Canada, Lévesque a signé près de quatre-vingt-dix chroniques dans Le Clairon de Saint-Hyacinthe, reprises ici pour la première fois. Nous y découvrons avec étonnement un jeune loup de vingt-cinq ans, féroce, irrévérencieux, qui se révèle un prosateur éblouissant.
René Lévesque n’aborde pas la critique cinématographique en dilettante. Il fait preuve d’une impeccable érudition, alternant critiques d’œuvres marquantes et analyses des conditions de production et de diffusion des films, particulièrement au Québec, petit territoire culturel engoncé entre la France et les États-Unis.
S’il s’enflamme quand il veut partager ses enthousiasmes (pour Rome, ville ouverte ou Le Diable boiteux, par exemple) ou quand il fait l’éloge de ses réalisateurs de prédilection (Ford, Lubitsch, Hitchcock), il sait se montrer d’une réjouissante méchanceté quand il s’agit d'exposer la bêtise de ses « collègues » critiques, les ciseaux hypocrites de la censure, les produits stéréotypés d’une part importante de l'industrie hollywoodienne et la banalité d’un certain cinéma français. Il pose enfin un regard sans complaisance sur la production locale.
Par la vaste culture de leur auteur, par son intelligence, par sa largeur de vues, ces textes offrent un portrait unique de la vie culturelle dans le Québec de l’après-guerre. Et ils nous offrent, en prime, la verve irrésistible d’un René Lévesque en toute liberté.