Avec les animaux, j’explore ces déchirements intimes par lesquels nous apprenons que nous ne possédons pas le monde, ni aucun de ceux qui s’y trouvent. J’émets l’hypothèse qu’ils nous enseignent le deuil, que c’est d’abord par eux que nous apprenons le chagrin, initiateurs de la perte, embrayeurs de la conscience d’un seuil, en raison d’abord de leur échelle. Quelle que soit l’égalité ou l’infériorité qu’on leur accorde dans l’ordre du vivant, les animaux sont sur une autre échelle de temps que la nôtre ; nous savons qu’a priori nous allons leur survivre, leur vie s’inscrit en filigrane sur le fond de la nôtre ; et même l’enfant accepte ce pacte tendre.
À travers des récits entremêlés de réflexions, Maïté Snauwaert cherche à montrer ce qui, en l’animal, chaque fois la point. En quoi il est tantôt messager, tantôt passager d’une vulnérabilité qui la traverse, tantôt compagnon. Comment il suscite ou libère le chagrin. Comment, dans l’enfance, il a forgé les premières peines. Il est question de Laïka, de Victor et de la voix de son maître, de chats noirs et de fantômes, de cavaliers enterrés avec leurs chevaux, d’une éléphante pendue pour meurtre, de lapins du matin et de moutons du soir. De ces déclinaisons de la lumière que les animaux accompagnent ou précèdent. Une série de portraits et de rencontres, une éphéméride des joies que procurent les bêtes, derniers émissaires de l’étrangeté du monde.