J’ai rassemblé ici quelques essais sur ce que je me plais à appeler des romans à épines. J’emprunte la formule à Philippe Muray, qui s’y connaît en choses piquantes. Ce sont, si vous préférez, des romans durs, des romans qui conduisent au bord du gouffre qu’est parfois la condition humaine.
Ce recueil propose une série de réflexions originales et personnelles menées à partir d’un dialogue fécond entre littérature et philosophie. Il porte sur une douzaine d’œuvres littéraires, philosophiques et cinématographiques qui ont marqué l’auteur et orienté sa vie. Ce sont tantôt des chefs-d’œuvre du roman européen moderne (Musil, Woolf, Kafka, Boulgakov), dont l’auteur propose des relectures passionnantes; tantôt des œuvres moins connues en Occident, comme le roman L’Usine du romancier japonais Hiroko Oyamadale, lu ici à la lumière de Marx; tantôt encore des œuvres relevant de ce qu’on appelle la culture populaire, notamment Fight Club de Chuck Palahniuk et son adaptation cinématographique, examinés à partir de Nietzsche, ou les romans d’horreur de Bret Easton Ellis; tantôt enfin les romans contemporains de Michel Houellebecq qui soulèvent la question existentielle du piège de la liberté.
D’une lecture à l’autre, Raphaël Arteau-McNeil réfléchit au monde d’aujourd’hui, insistant sur les grands thèmes que sont le travail, l’éducation, la violence, le consentement sexuel. Il cherche à comprendre et à sentir ce que Milan Kundera appelle « le piège du monde », c’est-à-dire notre désir de trouver du destin là où il n’y a que contingence, de substituer à la prose de la réalité notre soif de grandiloquence et de lyrisme. Le rôle de la fiction, se demande-t-il, ne serait-il pas de déjouer ce piège du monde en le donnant à voir, donc en le mettant à distance par une saine ironie ? Telle est l’interrogation qui sert de fil conducteur aux lectures toujours éclairantes que Raphaël Arteau-McNeil propose dans ce livre, qui se clôt par un hommage à l’art de l’essai et à François Ricard.