La personne humaine ne souffre pas comme elle le veut. Même si elle souffre individuellement et que certaines dimensions de sa souffrance resteront à jamais en son for intérieur, la grammaire de sa souffrance ne lui appartient pas. La souffrance et les manières de la combattre, de la gérer ou de l’accueillir (de la religion au psychotrope en passant par le masochisme) sont un lieu de rencontre, un socle collectif.
Pour la psychiatrie contemporaine, la dépression est un syndrome, c’est-à-dire l’agencement particulier de certains symptômes, signes et comportements qui sont identifiés par le clinicien. Toutefois, rien dans les argumentations de la psychiatrie ne permet de comprendre pourquoi tant de personnes se sont mises à dysfonctionner et à souffrir dans les « figures syndromiques » attribuées à la dépression. La compréhension des racines de cette « démocratisation dépressive » revient, comme celle de la névrose autrefois, inéluctablement à la sociologie.
Comment expliquer la résonance extraordinaire des mêmes signes et symptômes chez des millions d’individus partout en Occident et de plus en plus ailleurs ? En d’autres termes, de quelle société nous parle l’épreuve dépressive ?
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