Dernier ouvrage, posthume, de la grande historienne, Le Peuple, l’État et la Guerre au Canada sous le Régime français vient modifier considérablement notre vision de la société coloniale et de son État avant tout militaire. Les annales militaires puis à leur suite l’historiographie du Régime français nous ont habitués à voir évoluer le milicien canadien presque d’un bout à l’autre de l’épopée coloniale. Le milicien et non les miliciens, voilà le problème, car on a élevé les Canadiens au statut de symbole de bravoure, d’indiscipline, de « canadianité » en somme. S’attaquant au mythe du peuple guerrier, ce livre entreprend de rendre aux miliciens leur pluralité et, par là, une certaine densité humaine.
En fait, c’est l’ensemble de la population d’une colonie, devant composer avec la guerre et ses exigences, que Louise Dechêne fait revivre ici. Adoptant la perspective des paysans et du petit peuple urbain, c’est sans complaisance mais de près qu’elle regarde les puissants, ceux de Québec et dans une moindre mesure ceux de France, faire leur travail de gouvernants au nom des privilégiés.
Alliant empathie et sensibilité au social, Louise Dechêne entreprend de reconstituer le point de vue des dominés. Rejetant une historiographie fondée sur le bellicisme et le particularisme populaires, elle cherche à rendre à cette condition coloniale une partie de ses dangers, de son équivoque. Et au peuple, une voix.