En 1967, le «Vive le Québec libre!» du général de Gaulle a révélé aux Français et au monde l'existence du peuple québécois et le problème de sa cohabitation avec le reste du Canada. Pour tout ce qui touche le Québec comme dans bien d'autres domaines, la vision du fondateur de la Ve République a laissé une marque profonde sur la politique française. Après le vivat du balcon, Paris s'est engagé avec Québec et Ottawa dans un incroyable ballet diplomatique qui n'a pas fini d'agiter les trois capitales.
En pleine Révolution tranquille, les nationalistes québécois ont vu dans le cri de l'hôtel de ville un encouragement providentiel. Pour plusieurs à Ottawa, les liens directs et privilégiés entre la France et le Québec, de même que la présence du Québec au sein de la francophonie, étaient inacceptables. Il fallait endiguer les relations franco-québécoises et les remplacer par les relations franco-canadiennes. Paris ne l'entendait pas de cette oreille, l'affrontement devenait dès lors inévitable.
Pendant ce temps-là, en politique intérieure française, tandis qu'on se querellait autour de l'héritage gaullien - qui pour s'en réclamer, qui pour s'en dissocier -, la «question du Québec» devenait la pierre de touche à partir de laquelle chacun devait prendre position. Attaché à jamais à la mémoire du Général, le Québec devenait un enjeu politique franco-français.
C'est une vaste fresque que Frédéric Bastien met en scène, qui tient à la fois du suspense, de la comédie de boulevard, du théâtre de l'absurde et de la tragédie antique, à l'aide de nombreuses entrevues et de milliers de pages de documents d'archives, notamment et pour la première fois les archives de l'Élysée. Tissant la trame diplomatique des relations triangulaires, l'auteur fait revivre les personnages de ce drame politique, héros plus grands que nature ou charlatans patentés, espions ou agitateurs, fanatiques ou aventuriers, opportunistes ou bouffons.