Maurice Duplessis incarne un passé, flou et conspué tout à la fois, que l’on appelle la Grande Noirceur. Les chercheurs en lettres et en sciences humaines ont beau tenter de remettre le balancier en marche — en lui donnant parfois une trop grande impulsion — et rappeler que le portrait doit être nuancé, le « Chef » divise toujours les esprits.
Déjà en 1952, le futur premier ministre Daniel Johnson dira du règne de Duplessis : « Depuis 1936, il s’est opéré dans notre province une véritable révolution dans l’ordre. » Comment une révolution peut-elle se dérouler dans l’ordre ? Comment le bouleversement et, bien sûr, la violence de l’histoire peuvent-ils s’abattre sur Québec sans que cela déstabilise une chose ou deux ? On a là une des plus belles expressions de la quadrature du cercle que représente le temps duplessiste. Changer sans changer ; marcher au repos; vivre une révolution qui se déroule dans l’ordre. N’y a-t-il pas là une des explications du succès électoral de Duplessis ?
Quarante ans après les synthèses de Conrad Black et de Robert Rumilly, La Révolution dans l’ordre tient le pari de raconter ce qu’ont été les années du régime Duplessis au Québec. Jonathan Livernois s’intéresse à la fois à la fortune mémorielle du personnage, aux faits et gestes de son gouvernement, à sa machine de guerre électorale ainsi qu’à ses amis et ennemis de la société civile. Ni panégyrique ni philippique, ce retour sur le duplessisme n’en est pas moins le lieu de prises de position nettes d’un auteur qui n’était franchement pas né en 1960.
« Livernois n’enfile ni les habits du thuriféraire ni la plume du pamphlétaire. (...) Il souhaite, en historien des idées, comprendre l’homme et son succès, afin de saisir la mentalité de ceux qui l’ont élu cinq fois, c’est-à-dire les Canadiens français d’avant la Révolution tranquille. On comprendra, à la fin, que les Québécois d’aujourd’hui ne diffèrent pas tant que ça de leurs prédécesseurs. » Louis Cornellier,
Le Devoir