Depuis trois cents ans, de génération en génération, la famille Gomarteli se transmet la recette d’une pommade aux vertus médicinales étonnantes. À l’époque des répressions de Staline, le jour où le grand-père est interrogé par la Tchéka, il crache tout de suite la recette, et la répète encore et encore. Non qu’il ait peur pour sa vie, mais parce qu’il veut mourir vite. Grand-père se moque de ses bourreaux : «Le principal ingrédient, c’est la voix! Nous seuls, les Gomarteli, avons cette voix qui donne son pouvoir au remède! »
Chacun des membres de la famille Gomarteli – on fait la connaissance de plusieurs générations dans Sovki – passe à travers un moment d’auto-questionnement, parfois si intense que cela devient insupportable. La voix des Gomarteli, apparemment, éveille non seulement les vertus curatives de la pommade, mais rend également les femmes folles d’amour. Le petit-fils, Artchil Gomarteli déshabille les femmes en leur chantant à l’oreille, ou ce sont des femmes qui se déshabillent pendant qu’il chante?
Qui sont ces gens de l’ère soviétique, ces «Sovki»? Pourquoi sont-ils mêlés les uns aux autres, comme des ingrédients indifférenciés d’une pommade ? Et qui possède la voix magique? Qui est Staline? Le diable? Dieu? Un parfait idiot! selon les mots de grand-père Gomarteli.
Elena Botchorichvili a écrit Sovki en phrases très courtes, pleines de subtilité et d’humour noir. C’est pourquoi on la compare souvent à une autre romancière issue d’un ancien pays communiste, Agota Kristof. Pour certains, elle se rapproche davantage de la précédente génération d’émigrés, dont le russe Ievgueni Zamiatine, auteur du roman Nous autres. Mais avec sa prose si particulière, imagée, rythmée, Elena Botchorichvili a créé un nouveau genre, le « roman sténographique », qui n’a pas d’équivalent parmi la littérature postsoviétique, quelle que soit l’époque ou le pays.