Comme le notait Paul Valéry, le XXe siècle a marqué pour l’Occident le commencement d’un temps radicalement nouveau, celui du
monde fini. Ayant été entièrement explorée, parcourue, cartographiée, la terre que l’homme habitait cessait de lui apparaître comme un milieu infiniment ouvert où retentissait l’appel de l’inconnu ; c’était désormais un territoire balisé, aux frontières précises et indépassables. Or cette entrée dans la finitude, cet effacement des horizons lointains est également ce qui caractérise le plus profondément la psyché et l’existence des sujets modernes que nous sommes. La mort de Dieu, la liquidation des mythes, la disqualification générale des idéaux de tous ordres, cette sécularisation radicale par quoi se définit notre modernité et qui fait de nous des êtres libérés de toute dépendance comme de toute culpabilité et de tout regret à l’égard de quoi que ce soit qui nous dépasse et nous tire hors de nous-mêmes, c’est ce que l’auteur de ce livre appelle
le temps de l’homme fini. Un temps à la fois tragique et risible, dont les manifestations touchent tous les aspects de la vie qui est aujourd’hui la nôtre, de l’éducation à la politique, de la publicité à l’architecture, de l’urbanisme à l’organisation familiale, de l’idéologie aux arts. Un temps qu’il ne s’agit ni de célébrer ni de déplorer, mais bien de comprendre et d’habiter avec autant de courage que de lucidité. Écrit dans une langue aussi vive qu’élégante, trouvant son inspiration aussi bien dans l’observation minutieuse de la vie sociale que chez les grands auteurs, ce livre tient à la fois de l’étude sociologique et de l’essai, au sens le plus juste – et donc le plus problématique – du terme. Il propose sur l’état actuel du monde (et du Québec) un regard à la fois pénétrant et passionné, très critique, certes, souvent même corrosif, mais non dépourvu d’espoir.
Écouter l'auteur s'entretenir avec Joane Arcand dans l'émission Dimanche Magazine
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