Voilà. Terminus. Fini tout ce gâchis de livres qui dénonçaient, témoignaient, argumentaient, envoyaient des messages de fumée, déformaient, soumettaient le lecteur, le jetaient dans leur geôle après l’avoir jugé au tribunal. Ce roman est de l’humus, de la tourbe, du limon, où se décompose la tradition, l’histoire, la mémoire des hommes, le chaos des civilisations, mais il leur dit adieu et s’écoule vers l’avenir, où il se propage sous la forme d’ondes qui, contrecarrant les effets du grand tremblement terminal, se continueront après lui, dans le vide ou dans la matière, si fortes, si dynamiques, si vivaces qu’elles redonneront vie à ce qui aura cessé d’être. La vraie littérature a toujours tenu ce rôle face au temps. Elle a été le forgeron du temps.
Ce soir-là, tout se terminera. Le monde va disparaître. Monsieur Dimanche, gardien de nuit dans un hôtel de bord de mer, observe la marche des heures qu’il reste à l’univers avant que le temps s’arrête à jamais – la télévision ne parle que de cela, mais la panique ne semble encore gagner personne. Dimanche se souvient des voyages, des musiques, des amours : il lui reste un dernier mystère à éclaircir. Sur la table du petit déjeuner, laissé là par un romancier mégalomane, un manuscrit, Terminus. Sous ce titre, Thierry Laget signe un livre délicat et circonspect, rassemblant, dans un éclat de rire, d’élégiaques cérémonies d’adieu à ce qui fut parfois si beau et qui ne sera plus – les chats, les peintres miniaturistes d’Ispahan, les tulipes d’Istanbul, les poètes, les phénix…