En juin 2002, le gouvernement du Québec adoptait le projet de loi 84, instaurant une union civile ouverte aussi bien aux couples homosexuels qu’aux couples hétérosexuels. Pourtant, le projet de loi qui avait été déposé six mois plus tôt était beaucoup plus limité et fort différent sur de nombreux points cruciaux. Que s’est-il donc passé dans l’esprit des législateurs ? Qu’est-ce qui a fait qu’un projet de loi qui avait pour but de réparer ce qui semblait être de la discrimination envers les homosexuels s’est mué en une loi qui vient bouleverser en profondeur toutes les règles de filiation qui avaient régi notre société depuis des siècles ? Pourquoi de telles transformations sans qu’il y ait eu l’ombre de véritable débat sur la place publique ?
Pour trouver réponse à ces questions, la sociologue Marie-Blanche Tahon s’est penchée sur les discussions tenues en commission parlementaire avant l’adoption du projet de loi 84. L’examen minutieux de ces échanges, de même que des parallèles avec les modes de filiation qui ont cours dans les autres sociétés et une fascinante analyse de l’évolution des rapports familiaux au cours des dernières décennies l’amènent à poser un regard fort sévère sur le travail accompli par les politiques dans ce domaine complexe et délicat. «Les bons sentiments ne sont pas les garants d’une politique bonne », déclare-t-elle.
En effet, la loi 84 instaure une inégalité en accordant aux couples lesbiens le droit à l’« assistance à la procréation », tout en niant aux couples formés de deux hommes le droit d’avoir recours à une mère porteuse. Non seulement cette clause va à l’encontre du but avoué de la loi, qui est de faire disparaître certaines inégalités, mais elle constitue une régression pour toutes les femmes qui luttent depuis trente ans pour faire reconnaître que les discriminations qui continuent à les frapper restent liées à l’idée reçue selon laquelle une femme est avant tout une mère.
Ce livre, accessible et percutant, propose une réflexion en profondeur sur un sujet complexe qui touche toute la société.