De tous les livres historiques sortis pour commémorer le 350e
anniversaire de Montréal, cette Histoire de Montréal depuis la
Confédération de Paul-André Linteau est de loin le plus important.
Pourquoi? Parce que l’auteur a réuni là toutes les études parues sur
Montréal depuis une bonne vingtaine d’années et il en fait une
synthèse précise pour mieux cerner les multiples facettes de cette
ville en mutation. Il porte une attention particulière aux conditions
de vie des Montréalais, à leurs systèmes d’éducation, à leurs loisirs,
aux classes sociales très démarquées et surtout au rôle-clé de la
majorité (devenue minorité) anglophone qui a dessiné l’architecture et
la structure industrielle de cette ville avant 1900.
[…]
Ses chapitres sur l’âge d’or de Montréal – les années 20 – nous en
apprennent beaucoup sur la dynamique des deux Montréal, l’Est et
l’Ouest, les francophones et les anglophones, et la place des
minorités culturelles. Pour Linteau, Montréal a toujours été le
laboratoire social et politique (par exemple, le débat linguistique)
du Québec et notre fenêtre sur les idées nouvelles et
internationales. Quand une ville doit assumer une telle responsabilité
collective c’est normal de lui demander l’impossible. Montréal est un
pays dans une province. Ajoutons que le livre de Linteau est ponctué
d’une centaine d’illustrations et de photos fort bien choisies comme
cette page couverture de la rue McGill ouverte sur la montagne,
symbole de cette île-ville aujourd’hui défigurée par l’automobile.
L’ouvrage de Paul-André Linteau, Histoire de Montréal depuis la
Confédération, devrait être compté dans la lignée de ces ouvrages
exceptionnels de l’histoire urbaine. Il s’agit d’un livre magistral
qui relate de façon détaillée et exhaustive l’histoire captivante
d’une ville et la transformation de Montréal, au cours des 125
dernières années, de métropole canadienne qu’elle était en centre
culturel et économique du Québec francophone. Paul-André Linteau
retrace de façon systématique l’évolution des aspects essentiels de la
vie à Montréal: nature de l’existence de la classe ouvrière, relations
entre les classes sociales et les groupes ethniques et linguistiques,
tendances économiques et pouvoir économique, tendance au niveau de
l’utilisation de l’espace urbain et texture changeante de la politique
municipale. Histoire de Montréal deviendra sans doute l’ouvrage
qui fera autorité sur l’histoire de Montréal, bien qu’il s’agisse d’un
livre qui constitue bien plus que la simple histoire d’une ville,
aussi captivante soit-elle. P.-A. Linteau décrit avec force détails
les «grands événements» de l’histoire de Montréal, mais va plus loin
que la plupart des spécialistes de l’histoire urbaine dans son analyse
exhaustive des diverses structures du passé de Montréal. Les
historiens qui cherchent à savoir comment ces structures s’articulent
dans les villes qui font l’objet de leurs travaux tireront grandement
profit de la lecture de l’ouvrage de Linteau.
L’auteur a particulièrement bien réussi à établir le lien entre
la spécificité québécoise et les grandes tendances de
l’histoire urbaine en Amérique du Nord. Par exemple, les efforts en
vue de réformer la vie politique de Montréal au début du XXe siècle,
dont il fait état dans son ouvrage, rappellent précisément les luttes
des machines politiques organisées contre les réformateurs dans les
villes américaines pendant la même période; par ailleurs, Linteau
décrit dans le détail les faits uniques qui expliquent les échecs du
mouvement de réforme à Montréal, à savoir le clivage linguistique
omniprésent et la nature très particulière des relations entre l’élite
et les masses francophones de la ville. De même, son traitement de la
suburbanisation de Montréal, qui a commencé avec le développement de
banlieue anglophone à Westmount et dans le West Island au début et au
mitan du XXe siècle, et qui culmine avec l’étalement urbain qui bat
son plein de nos jours, replace une tendance urbaine générale dans son
contexte québécois.
[…]
La capacité d’analyse de Linteau se manifeste pleinement dans son
exposé du déclin économique de Montréal au cours du XXe
siècle. Quiconque désire obtenir des renseignements historiques sur
les difficultés économiques actuelles de la ville tirerait grand
profit de la lecture d’Histoire de Montréal. L’auteur présente
un exposé concis et convaincant et explique comment Toronto a remplacé
Montréal comme centre économique national dès les années 1960 […].
[…]
Le livre Histoire de Montréal contient beaucoup plus de
renseignements que ce dont un cours compte rendu pouvait faire état.
Qu’il nous suffise d’affirmer qu’il s’agit là d’un ouvrage important
de l’histoire urbaine nord-américaine. Rédigé avec clarté, illustré de
magnifiques photographies et exhaustif par son contenu, Histoire de
Montréal est le livre par excellence de l’histoire de la ville et
saura intéresser non seulement les spécialistes de l’histoire de
Montréal, mais aussi les spécialistes de l’histoire urbaine en
Amérique du Nord.
[…] Bien qu’il soit un universitaire de haut niveau, Paul-André
Linteau fait œuvre de vulgarisation grâce à ses livres et aussi par
ses collaborations à des films, à des émissions de télévision, avec
des institutions qui rapprochent l’histoire des citoyens: la Maison du
Fier-Monde, le Centre d’histoire de Montréal, le Musée d’histoire et
d’archéologie de Montréal de Pointe-à-Callière, le Musée de la
Civilisation de Québec. «Je trouve extrêmement important de faire
sortir les travaux scientifiques et les thèses des bibliothèques. Il
faut toutefois proposer une communication de qualité, écrite dans une
langue correcte, accessible à un vaste public. Pour cela, il faut
éviter les jargons hermétiques.» C’est dans cet esprit qu’il dirige
les collections d’histoire des Éditions du Boréal. Il a lui-même écrit
une Brève histoire de Montréal, pour Boréal, en 160 pages. Il
vient de terminer la rédaction d’une Histoire du Canada de 128
pages, pour la célèbre collection «Que sais-je», en remplacement d’un
texte qui datait de 1947!
«J’adore le défi que représente de tels exercices de synthèse. Ils
exigent une maîtrise aussi grande des méandres de la recherche
spécialisée, sauf qu’il y a une contrainte d’espace. Le défi est
d’aller chercher les lignes de force, sans gommer les nuances. Si cet
équilibre n’est pas préservé, on tombe dans la simplification. C’est
difficile à réussir. Je considère le Prix André-Laurendeau comme une
reconnaissance de cette approche de synthèse, peu fréquente à
l’université, où l’on a plutôt tendance à valoriser la monographie
ultra-spécialisée.»
[…]
Ayant récusé l’interprétation traditionnelle du phénomène de
l’urbanisation, Paul-André Linteau s’est appliqué à revoir l’histoire
de l’industrialisation au Québec. Il s’est penché sur l’évolution
d’une petite ville industrielle de la périphérie de Montréal, la ville
de Maisonneuve, aujourd’hui un quartier de Montréal. Il en fait le
sujet de ses études de doctorat, qu’il poursuit à l’Université de
Montréal de 1969 à 1975, tout en enseignant à plein temps à l’UQAM. En
déposant sa thèse de doctorat, en 1975, Paul-André Linteau pose un
jalon majeur de l’histoire urbaine au Québec. Il propose une analyse
qui englobe l’étude du développement de la ville elle-même et de la
société qui l’habite. «J’intègre les deux. J’écris l’histoire de la
ville dans la ville. Parce que j’ai toujours gardé comme deuxième pôle
d’intérêt l’histoire générale du Québec, sans doute, je tiens compte
de tous les aspects de la vie en société, du rôle multidimensionnel
des phénomènes, et j’essaie d’en dégager la cohérence.» En 1981,
Boréal publiait la thèse de Paul-André Linteau sous le
titre Maisonneuve ou comment des promoteurs fabriquent une ville
(1883-1918). Cet ouvrage fascinant se lit comme un roman grâce au
talent de vulgarisateur de son auteur. Il lui permet de remporter le
Prix John A. Macdonald 1981 de la Société historique du Canada.
Autre ouvrage marquant, l’Histoire du Québec contemporain depuis
la Confédération, une référence incontournable. Le premier volume
a été écrit en collaboration avec René Durocher et Jean-Claude
Robert. Pour le second, François Ricard s’est ajouté à l’équipe.
«Nous voulions d’abord rédiger un manuel pour les étudiants à partir
de nos notes de cours. Nous pensions le faire en un été. Il nous a
fallu 13 ans pour compléter les deux volumes!» […]
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