Jacques Godbout — Je pense que nous conviendrons facilement, vous et moi, d’ accepter l’ invitation au Buffet auquel le monde nous convie pour le début du prochain millénaire : le masochisme n’ est pas notre qualité principale. Alors comment allons-nous nous présenter? Que porterons-nous ? Insisterons-nous pour qu’ il y ait, sur la table, entre les plats exotiques inspirés des cuisines du monde, un pâté de caribou avec coulis de pimbina? Est-ce important d’ inventer des plats québécois ? A-t-on besoin d’ une culture nationale pour prendre place dans ce millénaire ? Avez-vous faim ?
Richard Martineau — Je suis affamé. Voyez-vous, j’adore les invitations. Il y aura toutes sortes de mets, toutes sortes de gens. Debout devant ma garde-robe, j’hésite. J’apporte quoi ? Je me présente comment ? Et si j’ y allais comme ça, tel que je suis, non comme un représentant d’une culture ou d’un peuple, mais seulement à titre personnel ? Chaque individu n’est-il pas un pays ? Je ferai flotter mon propre drapeau, je brandirai mes propres couleurs. Je parlerai en mon nom. Je mangerai à ma faim.
« Est-ce que deux observateurs de la scène sociale, culturelle et politique, de deux générations différentes, ne pourraient pas échanger, dans une sorte de conversation à bâtons rompus, quelques idées et jugements qui les nourriraient l’un l’autre? » Voilà la question que pose Jacques Godbout au début de ce livre. Il a choisi pour interlocuteur Richard Martineau. S’engage alors une joute « hors compétition » où tout le monde est gagnant, surtout le lecteur.