« Ce texte
bifide raconte l’amour immodéré pour le fabuleux objet qu’est le comprimé. Il
décrit le plaisir de sentir tomber sur soi un sommeil de plomb, d’éprouver même parfois un enthousiasme chimiquement contrefait pour une tâche ou un rendez-vous avec des fâcheux, d’aimer être sous influence. Dans un même moment, il
décrie l’usage généralisé de cet artifice du soi, de ce misérable subterfuge. Texte
perfide : plus que toute l’affection que l’on peut porter à l’influence, redouter la médicalisation globale des individus, y surprendre un mode disciplinaire inédit soustrait à la discussion et conséquemment à quelque forme de résistance. La prise de molécules consacre le sacrifice de soi, elle alimente des pratiques autoritaires sous couvert d’assistance individuelle, elle stabilise de manière définitive l’organisation actuelle du monde dès lors compris comme un donné, ou sans rapport avec les maux éprouvés.
« Il ne s’agit pas de nier l’évolution, voire les progrès des méthodes de traitement des psychotiques par les diverses générations de molécules qui en stabilisent les délires. Il importe plutôt de questionner simplement l’élargissement, la diffusion des médications à des catégories de la population qui pourraient trouver autrement ou ailleurs le sens de ce qui se passe tout à la fois à l’extérieur et en eux.
« Cette mutation redessine en quelques traits ou en quelques générations d’antidépresseurs le rapport à soi et à autrui. »
Vous pouvez écouter ici, sur le site de Radio Canada,
son entrevue avec Yannick Villedieu .