Des romans, déjà classiques, racontaient l’histoire un homme d’âge mûr perdant la raison pour une jeune beauté. On songe à La Femme et le Pantin, de Pierre Louÿs, ou à Lolita, de Nabokov. Mais ces dernières années, féminines et autofictionnelles, nous ont plutôt présenté l’autre point de vue de l’affaire. C’étaient souvent les jeunes beautés en question qui racontaient comment elles essayaient d’échapper aux entreprises de séduction. Champ-contrechamp. Avec Ma reine, Normand Corbeil brode sur le motif et raconte au « je » l’histoire de Simon LeBris qui se trouve incapable de rompre avec la beauté obsédante de Stella. Désir ou amour, sensations ou sentiments, impressions, imagination, il ne les distingue plus très bien, évoluant sous le charme capricieux d’une majesté dont il veut, à ce qu’il dit, se libérer. L’auteur nous invite donc à une piquante relecture du mythe, qui prend une coloration singulière à une époque où règnent l’argent, le téléphone cellulaire, les sorties entre copines, le Living et le Stéréo, les strings, la chirurgie plastique et le look.Écrit d’une plume légère, acérée, Ma reine nous propose un fascinant tableau de notre époque. « À dix-neuf ans, je voulais mourir à trente-sept ans, j’aimais trop la Beauté.Aujourd’hui c’est à cent ans que je veux mourir, j’aime trop sa beauté. Des fois, je me mets à calculer : quand elle aura trente-cinq ans, j’aurai… Et puis non, je saute à l’extrême, dans quarante ans, elle aura…, donc elle sera vieille aussi ! Aucun chiffre ne me décourage, ma folie annule tous les décalages. À quatre-vingt-dix-neuf ans, je serai encore beau, à cause d’elle. Je serai la meilleure affaire emphytéotique du globe, à cause d’elle. Time is on my side. J’ai acheté hier mon premier Mick Jagger. Quant à être convaincu… »