Dans le bruyant silence du littoral, je disparais. Je m’efface du monde pour devenir le monde. Je m’approprie tout et tout s’approprie de moi. Ce qui me sépare des choses succombe. J’habite ma poitrine qui monte et descend. Je ralentis ma substance entière et me forge une nouvelle demeure. Je m’achève d’avoir besoin de mon cœur, de mon sang, de mes pensées. Je suis une créature de l’air, une pierre de terre, une nageoire de mer. Je porte en moi tout mon règne. Je ne suis plus mortel. Je suis de tous vents et marées. Je déferle et me retire de moi. Il fait frais. Il ne fait pas froid. Il fait chaud mais je ne fonds pas. Et dans cette fabuleuse solitude, j’entends l’Odile, mon Odile.
Hippolyte Borgia Lazard a seize ans et il a une pieuvre dans la tête. Une pieuvre maligne, héritée de sa mère. Il vit dans une maison toute verticale d’une cité balnéaire d’Espagne, va au lycée français et n’a qu’une vraie amie, Odile, son acolyte, la complice de tous ses mauvais coups.
Les deux amis font la rencontre de Clément. À partir de ce jour, le duo devient trio. Tout l’été, ils écoutent David Bowie sur le toit de la maison des Lazard, en haut de longs escaliers. Ils boivent et enfilent les cigarettes, squattent la galerie d’art dont le père de Clément est propriétaire. Ils sont les rois de la montagne.