À propos de L’Homme des silences
[…] Les livres de Duchesne s’adressent à l’imagination mais également à l’intelligence des jeunes lecteurs; prenant appui sur des légendes, des faits historiques, elle installe ses petits héros […] dans des décors familiers ou exotiques et leur prête des aventures à leur mesure. Duchesne, de toute évidence, connaît très bien l’univers des jeunes, et elle s’y tient pour l’essentiel. Sauf erreur, elle avait jusqu’ici fait un seul livre destiné à des lecteurs adultes, Anna, les cahiers noirs.
[…] La romancière avait plutôt bien réussi ce passage d’un public à un autre, qui n’a rien de commode: on imagine que les auteurs jeunesse doivent être particulièrement conscients de leur public éventuel et s’adapter à sa sensibilité. Ils écrivent dans une sorte de liberté surveillée dont les lecteurs adultes, eux, n’ont que faire.
Une atmosphère de conte
Dans L’Homme des silences, Christiane Duchesne, plutôt que de changer de monde, a voulu les embrasser tous: le réel et le merveilleux, celui des petits et des grands, et elle y est parvenue. Son livre est moins un conte d’enfants qui s’adresse à tous ceux qui en sont ou qui sont disposés à l’être de nouveau, parfois.
[…] L’Homme des silences n’est pas une étude de mœurs ni une dénonciation de l’enfance sacrifiée. L’autisme y est moins pesamment symbolisé que ne l’était l’épilepsie dans Anna, les cahiers noirs. Le petit livre de Christiane Duchesne est comme une oasis de fraîcheur, dont la naïveté et la bonté s’adressent à la nôtre.
Il tient moins du roman que de ces contes qui, comme ceux du père de Marie, «tombent dans une rivière et glissent dans la mer». C’est une sorte de légende intimiste comme d’autres, «solubles dans l’eau», ce qui leur permet de mieux voyager de par le monde. Légende, en effet: une histoire à lire qui aurait fort bien pu commencer par: «Il était une fois…»
[…] L’Homme des silences échappe à la mièvrerie par sa simplicité même. L’écriture en est légère, aérienne par endroits. C’est une jolie histoire dont on se dit que si elle ne peut être vraie, alors c’est la réalité qui a tort, le temps d’une lecture.
Robert Chartrand, «Si jolie, cette histoire, qu’on a envie d’y croire…», Le Devoir, 18-19 septembre 1999.
Entretiens avec Françoise Robert
Vous êtes écrivaine, scénariste et traductrice, et vous parlez trois langues. D’où vient cette passion pour les mots?
Toute petite, je prenais déjà beaucoup de plaisir à jouer avec les mots et à inventer des histoires. Avant de savoir écrire, je les dessinais. Il y avait aussi, dans ma famille, un très grand respect de la langue. Et cet amour des mots allait beaucoup plus loin que la simple écriture. Je parle ici de curiosité à l’égard des langues en général et surtout des relations entre elles. D’ailleurs, si je devais retourner étudier, je ferais un doctorat en étymologie! L’origine des mots me fascine autant que le métissage des musiques. En fait, tout ce qui fait qu’une population ou une culture a cédé un petit quelque chose à une autre, tous ces mélanges qui font que les gens sont ce qu’ils sont, m’intéressent. Les langues représentent pour moi un bond dans l’histoire; j’ai une curiosité affamée face aux parcours des mots et aux raisons de ces parcours. Il ne s’agit donc pas seulement d’écriture, mais de tout ce qui va autour et encore bien plus loin… Les mots sont ma matière première, mon outil de travail […]
Quelles sont vos sources d’inspiration?
Pour inventer une histoire, il faut avant tout être curieux. Il faut aussi être porté vers les choses et vers les gens, et observer sans arrêt! Parfois, lorsque je marche derrière une personne inconnue sur le trottoir, j’imagine à quoi ressemble sa vie. Plusieurs de mes personnages sont ainsi nés d’observations très simples. D’autres sont issus de mon propre vécu. Quand j’ai traversé l’Europe avec mes enfants, alors âgés de 7 et 10 ans, ils n’avaient qu’un sac à dos comme bagage, et nous vivions avec le minimum. Or, pendant notre passage en Turquie, un chien nous a curieusement adoptés. Il a passé cinq jours à nos côtés, et nous nous sommes beaucoup attachés à lui. Quand est venu le temps de partir, mes fils ont eu beaucoup de mal à le quitter. Comme ils se contentaient habituellement de très peu, cet attachement a pris tout son sens à mes yeux. Cette rencontre a donc été le moteur de plusieurs histoires dans lesquelles on retrouve des chiens.
Françoise Robert, «Christiane Duchesne. Une femme d’exception», Le Magazine Enfants Québec, novembre 2002.
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