Serge Bouchard est un drôle d’anthropologue. Il croit qu’il vaut mieux appeler la Terre «Madame», trouve la beauté des fleurs suspecte, décrit l’enfer comme une «surdose de science et de conscience» et s’intéresse au silence des cailloux.
Pour Serge Bouchard, «l’histoire récente de la casquette constitue un des plus grands problèmes de l’anthropologie contemporaine». Et la radio, avec ses tribunes téléphoniques, «remplace le confessionnal, la taverne ou les longs commérages au téléphone».
La moitié des textes de L’homme descend de l’ourse ont d’abord été lus à l’émission Indicatif présent animée par Marie-France Bazzo.
Serge Bouchard y raisonne et déraisonne sur tout et sur rien; mène en douce une réflexion sur les mœurs contemporaines. Par exemple sur l’homme devant son écran d’ordinateur, l’homme à sa table de cuisine, l’homme et sa corde à linge («le drapeau national de notre intimité»), ou encore sur l’homme en Floride.
Le plaisir dans tout ça, ce n’est pas tant d’apprendre ce que nous ne savions pas (mais si, tout de même) que de voir émerger ce que nous avions sur le bout de la langue (l’auteur nous parle de nous, après tout, du magasinage du temps des fêtes ou de la mode actuelle qui est «d’être fatigué, brûlé, au seuil de la dépression»).
Tout ça est écrit avec humour et poésie. L’auteur a le sens de la formule, en abuse légèrement, et aussi des jeux de mots, mais il n’y a pas de quoi s’en formaliser, car c’est bon, et c’est ce qu’on en retient.
Élisabeth Benoit, «Le quotidien, avec humour et poésie», La Presse, 17 mai 1998.
Depuis 1993, Serge Bouchard et Bernard Arcand écrivent des textes réjouissants sur les lieux communs, qu’ils lisent ensemble, sur les ondes de la radio MF de Radio-Canada, chaque mercredi, à l’heure de pointe, pendant 25 minutes, partageant avec un égal bonheur l’art de renouveler les clichés. […]
«Ce n’était pas notre destin de faire cette émission. Nous sommes deux anthropologues sérieux qui avons une réputation, une carrière et une famille», remarque Serge Bouchard, qui accueille, un matin, pour une entrevue, son camarade dans une chambre d’hôtel de Québec. Chacun s’empare d’un appareil téléphonique. Ils parlent un peu en même temps et il arrive que leurs voix se confondent. Sauf lorsque l’un dit des méchancetés sur l’autre.
«Bernard ne m’écoute même pas quand je lis mes textes à la radio, se plaint Serge Bouchard. Il se lève, il sort du studio. J’en souffre beaucoup.»
Avec des commentaires pareils, difficile de penser, ne serait-ce qu’un instant, que Bernard Arcand et Serge Bouchard ne sont que des messieurs sages et savants, dont il faut prendre les propos au premier degré. Que non.
En fait, ils sont déchaînés. Et très drôles. Ils peuvent dire des énormités en restant imperturbables. Mais ils peuvent aussi, en parlant du gazon, de la météo ou de la fidélité, passer une remarque, mine de rien, qui fait réfléchir.
Ils trouvent eux-mêmes leurs sujets de réflexion, dissertent sur les idées proposées par des amis ou des auditeurs. «Vous n’en connaissez pas?» s’enquiert Serge Bouchard. «Il faut qu’un sujet nous parle. On peut parler de choses toutes petites pendant des émissions. On est meilleurs quand on parle du pâté chinois, qui n’intéresse personne – sauf que là les gens disent: c’est pourtant vrai – que quand on aborde un concept», souligne Bernard Arcand.
Les deux hommes admettent s’être souvent intéressés à des sujets typiquement masculins (!) : le sport, la calvitie, le rasoir. «Chaque thème est un problème qu’on n’a pas réglé dans la vie, confie Serge Bouchard. C’est pour ça qu’il n’y a pas de thèmes de femmes. On s’entend bien avec elles.»
Lucie Côté, «L’art joyeux de renouveler les clichés», La Presse, 15 mai 1994.
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